mercredi 4 février 2009

Discours de Joël MERGUI

Discours du Président du Consistoire Central de France, Monsieur Joël MERGUI
Investiture du Grand Rabbin de France Gilles BERNHEIM
le 1er Février 2009 à la Synagogue de la Victoire

Monsieur le Représentant du Président de la République
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement
Messieurs les Ambassadeurs
Monsieur le Grand Rabbin de France Gilles BERNHEIM
Monsieur le Grand Rabbin Joseph SITRUK
Monsieur le Grand Rabbin René-Samuel SIRAT
Monsieur le Président d’Honneur du Consistoire Central
Monsieur le Grand Rabbin de Paris David MESSAS
Messieurs les Grands Rabbins et Rabbins
Mesdames et Messieurs les Parlementaires
Monsieur le Préfet de Police
Madame la Représentante du Maire de Paris
Madame la représentante du Préfet de la Région Ile de France
Mesdames et Messieurs les élus
Mesdames et Messieurs les Représentants des communautés religieuses
Mesdames et Messieurs les Membres des Consistoires
Mesdames et Messieurs les Présidents d’Institutions
Messieurs les Présidents de Communautés de Paris Ile de France et Province
Chers Amis

Suivant les traces de mes illustres prédécesseurs à la présidence du Consistoire central, je suis particulièrement fier et heureux d’inaugurer l’investiture officielle du Grand Rabbin de France, M. Gilles Bernheim.
C’est avec une émotion forte que j’ai le privilège et le plaisir de vous accueillir, Monsieur le Grand rabbin de France dans votre propre synagogue, dans notre si prestigieuse synagogue de la Victoire pour cette cérémonie solennelle.
Le Consistoire Central, en présence des Grands Rabbins, des Rabbins et des Présidents de Communauté de toute la France, vit aujourd’hui ce moment historique et rare.
Dans ces murs chargés de souvenirs, d’images et de sons, venus de siècles d’une présence ininterrompue des juifs de France, l’Histoire nous regarde.
Je tiens à vous remercier tous très chaleureusement de partager ce moment. Votre présence si nombreuse montre la place qu’occupent le Grand Rabbin, notre Institution et la Communauté juive dans la vie Française.
Je saisis avec bonheur ce moment pour regarder fièrement vers notre passé tout en me tournant avec espoir vers notre avenir.
Notre passé, c’est une histoire riche, passionnante, passionnée, parfois tourmentée, de plusieurs siècles de présence continue des juifs en France. Voilà deux cents ans que le Consistoire construit, organise et fait vivre la Communauté juive de France. Grâce à l’action extraordinaire menée sans relâche par tous ceux qui nous ont précédés.Ces personnalités éminentes de notre institution et de notre pays firent la grandeur du judaïsme de l’Hexagone et lui donnèrent ses lettres de noblesse. De David Sintzheim à Alain de Rothschild, en passant par Jacob Kaplan, René-Samuel Sirat, et naturellement Joseph Sitruk et Jean Kahn, chacun d’entre eux a marqué d’une façon indélébile le judaïsme français.
Malgré des parcours différents, ils partageaient tous la même ambition : mettre leur expérience, leurs compétences et leur enthousiasme au service de leurs coreligionnaires dans le cadre consistorial. Nous avons Monsieur le Grand Rabbin, la lourde responsabilité de prolonger cette action.

Mais avant cette nouvelle phase, prenons le temps de marquer tout le respect que nous devons à nos prédécesseurs directs :
Les six mois de transition écoulés, m’ont donné le privilège court mais si précieux de côtoyer dans mes nouvelles fonctions, M. Le Grand Rabbin Joseph ‘Haïm Sitruk qui fut à mes côtés depuis mes premières actions militantes et tout au long de ses trois mandats. C’est à un Maître, à un Grand Rabbin, à un ami que je veux dire merci en mon nom, - et au nom de la Communauté - toute notre reconnaissance. Durant ces 21 ans vous avez donné à notre Communauté une dimension considérable. Votre charisme et votre goût permanent pour les paroles de Torah auront chez beaucoup provoqué un retour à notre tradition. Vous avez été un inspirateur, un initiateur, un réalisateur : Que tous les enfants et les petits-enfants que vous avez bénis soient une bénédiction pour vous ! Je suis convaincu que vous saurez apporter votre soutien à l’action de votre successeur et à notre institution.

Jean Kahn, cher Jean, vous avez été le Président du consistoire dans la grande tradition française. Nul ne vous a approché sans être impressionné par votre sagesse issue d’une culture remarquable, d’une curiosité insatiable, et d’un goût immodéré pour l’Histoire. Votre engagement pour le judaïsme a été sans faille et la communauté juive de France vous sera toujours redevable pour tout ce que vous avez fait pour elle au cours d’une vie passée sans compter à son service. Votre présence à mes côtés en tant que Président d’Honneur est un privilège rare que j’apprécie à sa juste valeur. J’ai conscience de la responsabilité qui m’incombe de vous succéder et de faire face aux défis multiples des communautés juives de France fédérées par notre institution.

Aujourd’hui, un Grand Rabbin ashkénaze succède à un Grand Rabbin séfarade. Parallèlement un Président séfarade succède à un Président ashkénaze. Changement, évolution, révolution ? Non je ne crois pas, nous portons les mêmes valeurs avec des accents différents. Pour nos enfants, ces nuances s’estompent. Ils sont porteurs d’une diversité extraordinaire qui contribue au renouveau et la particularité du judaïsme français que nous avons la responsabilité et le devoir de faire vivre. C’est ce judaïsme pluriel qui comme moi, comme toute la Communauté depuis six mois vous attend, Monsieur le Grand Rabbin. Nous sommes porteurs d’un trésor millénaire. C’est notre responsabilité de tendre la main à chacun, à chaque juif quel que soit son niveau de pratique et son type de pratique pour que la flamme continue, encore et toujours. Combien d’hommes, de femmes n’ont plus voulu se dire juifs après la Shoah, une des conséquences invisibles de la Shoah. Nous devons retrouver leurs petits-enfants et les guider, leur donner envie de redécouvrir leur identité. Parfois, inconsciemment ils n’attendent qu’un signe pour faire le chemin. J’aurai le sentiment du devoir accompli le jour où tous les Juifs de France, quelles que soit leurs origines, leur catégorie sociale, leur lieu d’habitation, leur sensibilité politique et leur degré de pratique se reconnaîtront et se sentiront concernés par notre action, par notre identité, par notre institution. Nous voulons être une institution au sein de laquelle pourront se retrouver tous ceux qui ont choisi d’interroger leur identité. En un mot, je conçois le Consistoire comme un lieu d’ouverture et de rassemblement Le judaïsme français a évolué, ses attentes aussi.

Homme d’ouverture et de dialogue, M. Le Grand Rabbin, Cher Gilles Bernheim, vous saurez renouer des liens pour aider ceux qui recherchent leur identité. Chaque fois qu’une personne retrouve le chemin de la synagogue pour étudier, pour prier, pour chanter, c’est toute la Communauté qui est renforcée.
Dans nos centaines de synagogues, comme dans notre institution, la lumière ne s’éteint jamais. Notre responsabilité opérationnelle de centaines de communautés en France et de plus encore de synagogues et de lieux de culte, qui constituent l’âme même du judaïsme français, nous confère le devoir et la légitimité d’exprimer haut et fort, autant que nécessaire les préoccupations et attentes, les aspirations de la Communauté juive de France. J
e voudrais rendre ici hommage à tous les Rabbins et présidents qui rendent possible la vie juive dans leur quartier, dans leur ville, parfois dans des conditions difficiles.
Les événements récents nous l’ont rappelé et nous interpellent. Force est de constater que l’hostilité contre nous n’a pas désarmé, que l’antisémitisme n’est pas, comme on a pu parfois le penser, un phénomène disparu. Loin de nous l’idée de dramatiser la situation, mais nous ne la sous-estimerons pas ! Pour dire les choses très clairement, nous ne voulons pas que nos synagogues et nos écoles soient des forteresses protégées vivant sous la menace.
Quelle menace ? Ne sommes-nous pas en France ? Nous souhaitons simplement que nos synagogues soient reconnues pour ce qu’elles sont : des lieux de culte qui prônent aussi les valeurs républicaines de la France. Notre communauté a toujours su et voulu exprimer sa solidarité avec Israël. L’amour indéfectible que nous portons à la France, notre pays, n’est pas antinomique avec celui que nous ressentons pour Israël, qui incarne nos racines, notre histoire et notre héritage religieux.
Israël est notre source spirituelle. Voilà trois mille ans qu’Israël fait battre le cœur de tous les juifs du monde.
Je tiens ici à saluer la présence exceptionnelle avec nous aujourd’hui du grand rabbin d’Israël Rav Metzger qui témoigne ainsi par sa venue des liens très étroits entre la Communauté juive de France et Israël. Depuis la création de l’Etat d’Israël, ce lien a été renforcé par une proximité physique et familiale. Chacun ici, a un membre de sa famille en Israël. Entre Israël et la France, grâce notamment à la Communauté juive, s’est ainsi créé un pont tissé d’amour et d’amitié. Israël est une démocratie exemplaire partageant les mêmes valeurs humanistes que notre pays. Nous ne pouvons rester muets lorsqu’Israël subit des attaques ou que son existence est discutée ou menacée, que sa capitale Jérusalem est contestée.
Gilad Shalit otage franco israélien est naturellement présent dans nos prières de ce jour. Vous le voyez, dans ce climat difficile s’ouvrent devant nous de nombreux défis. Je n’en citerai que trois majeurs à mes yeux.

Tout d’abord, le défi de la jeunesse, sans doute le plus important. Il y va de l’avenir et de la pérennité du judaïsme français dans la fidélité aux valeurs de notre Histoire, de notre Torah, de notre Peuple. Cette jeunesse qui traverse depuis quelques années des moments difficiles mêlés d’inquiétudes souvent, de colères parfois, mais qui garde en permanence la dignité et la sagesse dont nous, leurs aînés, pouvons être fiers. Il, nous appartient d’être à leur écoute, de répondre à leurs attentes et de faire en sorte qu’ils continuent avec joie et espérance leur chemin au sein du Peuple juif dont ils sont la lumière. Nous avons les structures et je sais, monsieur le Grand rabbin qu’avec votre expérience notamment d’ancien aumônier de la jeunesse vous leur donnerez vie et élan.

Ensuite, le défi de la place des juifs de France dans la Cité, c'est-à-dire avant tout de notre bien vivre ensemble. Votre action au sein de Torah et Société ainsi que votre vice Présidence de l’Amitié judéo Chrétienne montre que vous appartenez à une tradition particulièrement respectueuse du dialogue républicain, de la laïcité, vous êtes et vous serez « le rabbin dans la cité ». Le dialogue interreligieux que vous avez toujours défendu est indispensable pour replacer le judaïsme dans une perspective d’ouverture et d’universalité.

Enfin, le défi de l’avenir de nos communautés partout en France, le cœur même du judaïsme français. J’entends par là, le défi des structures, du fonctionnement, des réformes des projets de nos communautés, des plus modestes aux plus importantes. La formation et les statuts de nos rabbins ; Le fonctionnement du Séminaire Israélite de France dont vous êtes issu, Monsieur le Grand Rabbin. Vous en connaissez tous les aspects, son importance et vous aurez à cœur de continuer sa refondation et sa modernisation; La solidarité au sein et entre toutes nos communautés à travers le pays; La sauvegarde de nos synagogues et de notre patrimoine; Les conditions pour une pratique libre et respectueuse du judaïsme pour chaque juif de France. La sauvegarde de la mémoire de la Shoah et la lutte contre le négationnisme qui doit être sans relâche combattu et sans discussion, c'est un crime à la Mémoire des millions de martyrs morts et des vivants. Tout ceci dans un travail conjoint et unitaire avec les grandes institutions juives françaises. Dépassant le cadre communautaire, votre parole renforcera l’affirmation identitaire de nos familles dans une société multi culturelle et multi cultuelle.Il n’y a pas antagonisme, il y a complémentarité.

Voilà pourquoi vous êtes Grand Rabbin de France et non pas seulement Grand Rabbin des Communautés juives de France. Vous êtes aujourd’hui le cœur et le guide spirituel du Consistoire, et par là même de l’ensemble des juifs de France.

Le 22 juin dernier pour la première fois nos deux élections se déroulaient le même jour avec la même assemblée des représentants de toutes les communautés juives de France. Je veux y voir le signe que, plus que jamais, nous avons la noble mission de travailler ensemble, pour faire avancer les dossiers majeurs qui préoccupent notre communauté, pour donner ce nouvel élan et ce nouveau souffle à la plus importante et la plus vivante des communautés juives d’Europe.

Notre devoir d’exemplarité et de conviction devra être sans faille, au regard de tous les présidents et rabbins qui animent avec dévouement les communautés juives de France, au regard de nos coreligionnaires, au regard de tous les français. Je remercie tous ceux, juifs et non juifs, qui, mus par ce nouvel élan nous rejoindront pour accompagner nos efforts.

Qu’il me soit permis aussi de remercier mon épouse et ma famille de leur soutien indispensable à mon action au service de nos communautés et de notre institution. Je sais, Cher Grand Rabbin Gilles Bernheim, la vigueur de votre engagement pour réussir. De par votre histoire personnelle, votre parcours universitaire et rabbinique, vos connaissances intellectuelles et religieuses, vos qualités humaines d’écoute, de respect, de tolérance et de compréhension, je sais que vous saurez répondre aux attentes importantes qui sont placées en vous. Soyez certain qu’avec le dévouement du conseil du Consistoire Central, je vous soutiendrai de toute mon énergie.

Nous avons ensemble une mission unique, complémentaire et essentielle. Face aux défis de ce siècle tourmenté, nous avons à transmettre le message irréductible du peuple juif : celui de l’espoir et de l’engagement porté par l’éthique du judaïsme.
Telle est notre mission commune que nous avons le devoir de réussir. Pour la France et pour les Juifs de France.

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